Le business de sous-location: “Nous surveillons l’évolution de ce marché parallèle”

Membre du comité de direction à l’Office fédéral du logement (OFL) à Berne, Cipriano Alvarez est venu parler du phénomène www.airbnb.ch à l’assemblée des délégués de l’ASLOCA Romande le mardi 3 juin 2014 à Lausanne. Selon lui il ne s’agit pour le moment que d’une offre de plus dans la palette touristique. Interview.

Comment comprendre le succès du site Airbnb qui offre par exemple 280 chambres chez des habitants genevois pour un week-end?

Cipriano Alvarez. Il y a diverses raisons. D’abord le prix. En règle générale, les offres de ces sites sont meilleur marché qu’une chambre d’hôtel ou une chambre ou un appartement de vacances classiques. Et puis les offres de ces sites englobent des éléments nouveaux par rapport à l’hôtellerie classique, notamment un séjour dans une habitation personnalisée, la possibilité de faire de nouvelles connaissances, et donc par ce biais une plus grande immersion dans le pays ou la localité d’accueil. Cela explique peut-être aussi le grand succès de ces sites parmi les jeunes.

Que pensez-vous de ces offres de logements à court terme?

C’est une offre intéressante, en complément aux offres traditionnelles de l’hôtellerie classique et des chambres et appartements de vacances. Et je pense qu’il y a de la place pour les deux types d’hébergement. Airbnb est d’ailleurs un site parmi beaucoup d’autres, mais c’est aujourd’hui celui qui a le vent en poupe, comme on dit.

Selon vous ce phénomène va-t-il prendre de l’ampleur ou n’est-il qu’un mode passagère?

Je pense que le phénomène va encore prendre de l’ampleur, notamment grâce aux nouvelles générations qui s’accoutument dorénavant de plus en plus à recourir à ce type d’offre d’hébergement.

Faut-il s’en inquiéter?

Pas forcément. C’est une offre complémentaire qui enrichit le marché touristique, de ce point de vue il ne faut pas s’inquiéter. En revanche, il faut bien observer les effets que ces nouvelles offres pourraient avoir sur le marché principal du logement. Il n’est pas exclu, notamment dans les régions où il y a pénurie de logements, que ce genre d’offres fasse encore monter les loyers tout en réduisant le marché du logement «classique». C’est sous cet angle surtout qu’il faut bien surveiller l’évolution de ce marché parallèle. A titre d’exemple, le Land allemand de Berlin vient d’interdire pour ces motifs les offres de ces sites sur son territoire.

Est-ce que l’Office fédéral du logement a l’intention d’intervenir pour réglementer ce nouveau mode de location?

Non, pas pour l’instant. Nous avons examiné les bases légales actuelles sous l’angle de ces nouvelles offres et nous sommes d’avis que pour le moment il n’est pas urgent de légiférer, les règles actuelles suffisent. Nous constatons néanmoins que certaines questions restent ouvertes, mais cela est normal, ni le droit du bail actuel ni le droit de la PPE du Code civil ne pouvaient tenir compte de ces nouveaux phénomènes lors de leur adoption.

Qu’est-ce que votre off ice pourrait faire?

Comme il n’y a pas péril en la demeure du point de vue législatif, nous nous contentons pour le moment d’observer attentivement l’évolution. Si cela devenait nécessaire, nous n’excluons pas de nous pencher sur des modifications du droit du bail ou du droit de la PPE.

Que recommanderiez-vous à un locataire tenté par cette aventure?

Tenant compte du droit du bail, il doit informer son bailleur s’il offre ce type d’hébergement qui s’apparente au principe de la sous-location. La situation est moins claire dans le cadre de la PPE, où des exigences et des restrictions sont difficiles vu le principe de la garantie de la propriété individuelle. Mais, dans ce dernier cas, il y a aussi un bail à loyer direct auquel s’appliquent en principe les règles du droit du bail selon le Code des obligations.

Avez-vous la possibilité de contrôler ces «locations»?

Non, car il n’est pas du ressort de l’OFL, comme instance fédérale, de procéder à des contrôles sur le terrain. Si contrôle il doit y avoir, c’est surtout au niveau de la police de commerce et de la réglementation touristique que cela doit se faire, or cette matière est de la compétence des cantons et des communes.

Est-ce que vous-même, vous iriez réserver un logement sur un tel site?

Personnellement j’ai tendance à privilégier les formes d’hébergement traditionnelles, c’est probablement une question d’âge et de génération. Mais je sais que des gens de mon âge ont pris l’habitude d’utiliser les services de ce genre de sites et ils n’ont pas l’air de s’en plaindre.

Propos recueillis par :
Claire-Lise Genoud
Rédactrice en Chef
Droit au logement